Alpha Kabinet Keita, rattrapé par Ebola

Alpha n’avait pas mis les pieds en Guinée depuis le début de l’épidémie, et ne présentait donc pas plus de risque que n’importe quel touriste arrivant de France

En septembre 2014, Alpha Kabinet Keita ne se préoccupait pas beaucoup de la Guinée, son pays d’origine. Chercheur post doctorant à l’Unité de Recherche sur les Maladies Infectieuses et Tropicales Emergentes (URMITE) d’Aix-Marseille université et de l’Institut de Recherche pour le développement (IRD), il regagnait l’antenne de Dakar du laboratoire, à laquelle il était affecté, après des vacances en France où réside son épouse et ses enfants. Les douaniers sénégalais, toutefois, à la vue de son passeport, décidèrent de le mettre en quarantaine : la Guinée, comme le Liberia et le Sierra Leone, était alors frappée d’une dramatique épidémie d’Ebola.

Le malentendu fut rapidement dissipé grâce au responsable local du laboratoire : Alpha n’avait pas mis les pieds en Guinée depuis le début de l’épidémie, et ne présentait donc pas plus de risque que n’importe quel touriste arrivant de France. Toute fois, cette mésaventure lui donna à réfléchir : médecin, formé à l’université Gamal Abdel Nasser (UGAN) de Conakry, docteur en microbiologie, ne pourrait-il pas contribuer à lutter contre cette épidémie dont les conséquences le rattrapaient?

C’est ainsi qu’il s’est engagé, d’abord comme volontaire pendant l’épidémie : il a notamment dirigé pendant deux mois le laboratoire d’analyses de Macenta, au sud du pays. Puis à plus long terme, il s’est impliqué dans la création du Centre de recherche en infectiologie de Guinée (CERFIG).

Alpha Kabinet Keita a aujourd’hui complètement réorienté ses travaux de recherche : il travaille exclusivement sur Ebola. D’une part, il est le responsable du suivi le biologique en Guinée d’une cohorte de 802 personnes qui ont survécu à la maladie à virus Ebola. L’objectif est de déterminer s’il y aura des conséquences à long terme, et aussi si les personnes portent encore en elles le virus. Une résurgence de l’épidémie, en mars 2016, a ainsi été reliée à la présence du virus dans le sperme d’un homme qui avait été malade.

D’autre part, il recherche aussi les réservoirs du virus, avec ses collègues de l’UMI 233, Recherches Translationnelles sur le VIH et les Maladies Infectieuses (TransVIHMI) de l’IRD et de l’université de Montpellier, en France. S’agit-il de chauve-souris comme le pensent nombre de spécialistes? Il existe très peu de données. Et qu’est-ce qui a causé la flambée de l’épidémie? Des interactions avec la faune, des déplacements de population? Il est important de le savoir pour mieux prévenir les prochaines épidémies.

Aujourd’hui, Alpha Kabinet Keita est chercheur de l’Université de Montpellier avec le label d’excellence MUSE (Montpellier University of Excellence). Il est affecté à l’Unité TransVIHMI de l’IRD et passe de plus en plus de temps en Guinée : il y a été pas moins de 8 mois en 2017, entre le travail au CERFIG, les enseignements à l’UGAN où il a un poste d’assistant, et l’encadrement sur le terrain des équipes de biologistes qui suivent la cohorte des survivants.

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